HomeBlogLe rôle de la lumière dans le développement des plantes - EP.3 La lumière et la chimie des plantes

Le rôle de la lumière dans le développement des plantes - EP.3 La lumière et la chimie des plantes

Dans cette série d’articles, nous explorons comment la lumière influence le monde végétal. Le premier épisode s’intéressait au rôle vital de la photosynthèse et le deuxième article sur le rôle de signal pour les plantes. Dans ce 3e épisode, nous verrons comment la lumière influence la chimie des plantes.

Pourquoi le Tournesol tourne-t-il sa tête vers le soleil ? Pourquoi certaines plantes ne fleurissent-elles que la nuit ? Pourquoi d’autres sont plus odorantes à certains moments de la journée? Une partie de la réponse vient d’un mot : la lumière.

Bien plus qu’un simple éclairage, la lumière est pour les plantes un signal, une source d’énergie, une horloge biologique. Elle guide leur croissance, leur développement et leur comportement.

Dans cette série d’articles, nous explorons comment la lumière influence le monde végétal. Le premier épisode s’intéressait au rôle vital de la photosynthèse et le deuxième article sur le rôle de signal pour les plantes. Dans ce 3e épisode, nous verrons comment la lumière influence la chimie des plantes.

Épisode 3 : Quand la lumière façonne la chimie des plantes

A la différence des animaux, les plantes sont fixées dans leur environnement.

Elles ne peuvent ni fuir la sécheresse, ni s’abriter à l’ombre, ni échapper à un herbivore ou à un pathogène. Pour survivre, elles ont donc développé des mécanismes biochimiques complexes leur permettant de s’adapter à des conditions parfois hostiles.

Stress Abiotique vs. biotique (1)
Stress Abiotique vs. biotique (1)


Les plantes peuvent rencontrer différents stress :

  • Les stress abiotiques, liés à l’environnement, comme les températures extrêmes, la sécheresse, ou encore la lumière.
  • Les stress biotiques, liés à des organismes vivants : attaques d’insectes, d’herbivores, de champignons, de bactéries.

Dans les deux cas, la plante met en place une série de réactions biochimiques pour se défendre, s’adapter ou interagir. Ces réactions produisent des composés appelés métabolites secondaires. 

Parmi ces facteurs, la lumière peut devenir un facteur de stress mais aussi un signal d’alerte, un signal de communication qui va façonner la chimie de la plante. Dans cet épisode, nous explorons comment la lumière, selon son intensité et sa qualité (couleur de la lumière), influence la chimie des plantes, et notamment la production de métabolites secondaires.

Les métabolites secondaires : les réactions chimiques des plantes face au stress

Les métabolites sont les produits des réactions biochimiques dans la plante. 

Les métabolites primaires, liés aux fonctions vitales : respiration, croissance, reproduction. Par exemple, l’amidon produit par la photosynthèse est un métabolite primaire.

Les métabolites secondaires, qui ne sont pas strictement “essentiels” à la survie immédiate de la plante mais jouent un rôle crucial dans son adaptation au stress et à l’environnement.

Les métabolites secondaires se classent en 3 grandes familles : 

Structure moléculaire d’ (a) Alcaloïde / (b) Terpène / (c) Polyphénol (2)
Structure moléculaire d’ (a) Alcaloïde / (b) Terpène / (c) Polyphénol (2)
  • Terpènes : volatils ou non, souvent odorants (menthol, limonène…). Leur rôle : attirer les pollinisateurs, repousser les herbivores, protéger des rayons UV.
  • Composés phénoliques : flavonoïdes, tanins, acides phénoliques. Leur rôle : antioxydants, pigments, défense contre les pathogènes.
  • Composés azotés (alcaloïdes): caféine, nicotine, morphine. Leur rôle : toxiques pour les herbivores, parfois neuroactifs

A noter que d’autres classifications peuvent aussi mentionner des groupes supplémentaires comme les bétalaïnes, les glucosinolates ou les glycosides. Toutefois, les trois classes cités précédemment (terpènes, composés phénoliques, alcaloïdes) couvrent la grande majorité des métabolites secondaires végétaux connus.

L'excès de lumière : un stress oxydatif pour les plantes

Production photosynthétique en fonction de l’intensité lumineuse (3)
Production photosynthétique en fonction de l’intensité lumineuse (3)

La photosynthèse, moteur de la vie végétale, repose sur la capture de l’énergie lumineuse par la chlorophylle des feuilles (voir l'Article 1). Mais ce procédé a ses limites : si l’intensité lumineuse dépasse un certain seuil, la plante absorbe plus d’énergie qu’elle ne peut en utiliser et peut entraîner une diminution de l’efficacité de la photosynthèse. On parle alors de photoinhibition

Cela peut avoir un effet néfaste pour la plante : des électrons excités s’accumulent dans les cellules et peuvent favoriser la formation de molécules instables, appelées espèces réactives de l’oxygène (ROS)

Ces ROS peuvent :

  • endommager les membranes,
  • dégrader les protéines 
  • altérer l’ADN de la cellule 

Ce phénomène est appelé stress oxydatif.

Pour se protéger, les plantes activent la synthèse de métabolites secondaires protecteurs notamment : 

  • les flavonoïdes pigments antioxydants qui piègent les ROS, 
  • anthocyanes, pigments qui protège les jeunes feuilles contre les UV ; et les ROS à moindre degré

Cas des UV : un danger pour les plantes

Les ultraviolets (UV), invisibles à l’œil humain, sont bien perçus par les plantes, notamment les UV-B (280 à 315 nm). Ces rayons peuvent altérer directement l’ADN et provoquer des mutations ou des lésions cellulaires.

Les plantes perçoivent ces rayons grâce à un récepteur spécifique, UVR8, qui déclenche une réponse de défense :

  • Production de flavonoïdes, qui agissent comme écrans solaires végétaux ;
  • Synthèse de pigments spécifiques, comme les anthocyanes (rouge-violet), qui absorbent les UV et protègent les tissus jeunes.
Production d’acide rosmarinique par la sauge en réponse au stress lumineux
Production d’acide rosmarinique par la sauge en réponse au stress lumineux

Par exemple, la sauge (Salvia officinalis), produit de l’acide rosmarinique, via la voie de l’acide shikimique, en réponse à un stress intense dû aux UV.

Ce phénol est un composé antioxydant qui aide la plante à se défendre contre les dommages causés par l’exposition à ces rayons.

L'acide rosmarinique est recherché par les industries cosmétiques et pharmaceutiques car il possède des propriétés pharmacologiques remarquables, notamment anti-inflammatoires, anti-oxydantes, anti-virales et même anti-cancérigènes (4).

En comprenant ce déroulé biochimique, Orius a effectué une série de tests en modulant plusieurs conditions environnementales et a réussi à atteindre une concentration de 4,2 % d’acide rosmarinique dans la sauge, doublant ainsi les niveaux les plus élevés rapportés dans la partie aérienne de la plante (selon nos connaissances dans la littérature scientifique).

Vous voulez en savoir plus sur la sauge et l’acide rosmarinique ? Plus de détails dans notre article

La Lumière : un signal chimique pour interagir avec le vivant

Au-delà des réponses des plantes face à un stress immédiat et leurs réponses pour se protéger, la lumière joue aussi un rôle d’orchestration dans la production de composés qui favorisent les interactions écologiques.

Attirer les pollinisateurs au bon moment

Certaines fleurs développent des parfums floraux complexes, riches en terpènes volatils, spécifiquement en réponse à la lumière. 

Par exemple, le jasmin produit des molécules odorantes — telles que le linalol ou le jasmonate de méthyle — en plus grande quantité à l’aube, lorsque la lumière bleue augmente. Ce phénomène permet de coïncider avec l’activité maximale de ses pollinisateurs, souvent actifs au lever du jour. La lumière du matin agit donc comme un déclencheur de la synthèse de ces composés volatils, qui servent à attirer les insectes pollinisateurs au bon moment.

Se défendre contre les herbivores et les pathogènes 

Selon le type de lumière reçue (bleue, rouge, UV…), la plante peut aussi moduler la synthèse de composés toxiques, amers ou répulsifs qui dissuadent les herbivores ou limiter les infections :

  • Accumulation de composés toxiques : sous lumière UV ou intense, certaines plantes accumulent davantage de tanins ou d’alcaloïdes, rendant leurs feuilles plus amères ou toxiques. Par exemple chez le tabac (Nicotiana tabacum), la lumière UV-B stimule la synthèse de nicotine, un alcaloïde neurotoxique pour les insectes.
  • Changement de pigmentation : des pigments comme les anthocyanes (rouge, violets) ou de caroténoïdes (orange, jaune) peuvent jouer un rôle dissuasif visuel. Ces couleurs signalent une mauvaise digestibilité ou la présence de composés toxiques. Ils vont aussi troubler la perception visuelle des feuilles en rompant avec le contraste du feuillage environnant. Par exemple, chez certaines variétés de basilic pourpre, les feuilles pigmentées sont moins consommées par les pucerons.
  • Parfums floraux répulsifs : la lumière peut aussi influencer la production de composés odorants à visée défensive. Par exemple, chez la capucine (Tropaeolum majus), la lumière influence la production de composés volatils soufrés qui dégagent une odeur piquante. Ces composés agissent comme des répulsifs naturels contre certains insectes herbivores.

Un régulation orchestrée par les photorécepteurs 

Spectre de la radiation électromagnétique et récepteurs de lumière associés
Spectre de la radiation électromagnétique et récepteurs de lumière associés

Ces changements dans la chimie de la plante sont déclenchées par des photorécepteurs :

  • Cryptochromes et phototropines (sensibles à la lumière bleue),
  • Phytochromes (sensibles à la lumière rouge et infra-rouge),
  • UVR8 (pour les UV-B).

Ces récepteurs activent des gènes impliqués dans la biosynthèse de nombreux métabolites secondaires, selon le moment du jour, la saison ou l’exposition. (plus de détails sur les photorécepteurs dans notre Article 2)

Des voies complexes influencées par plusieurs paramètres

La lumière constitue un signal clé dans la régulation des processus physiologiques chez les plantes — en particulier dans la biosynthèse des métabolites secondaires. Mais elle n'agit jamais seule. Température, sécheresse, blessures, attaques fongiques ou bactériennes, qualité du sol… autant de facteurs abiotiques et biotiques qui interagissent entre eux et influencent la chimie de la plante.

Une même voie métabolique (comme celle de la synthèse des flavonoïdes, des terpènes ou des alcaloïdes) peut être activée ou modulée par plusieurs signaux. Par exemple, la synthèse des flavonoïdes peut être déclenchée à la fois par la lumière UV, un stress hydrique ou une attaque de pathogène.

Production d'acide rosmarinique dans la sauge
Production d'acide rosmarinique dans la sauge

Ce schéma montre comment la sauge réagit à différentes agressions (comme les UV, les insectes ou des blessures). Ces attaques déclenchent plusieurs signaux dans la plante, qui activent des hormones. Ces hormones peuvent, à leur tour, activer une même voie métabolique, comme la voie de l’acide shikimique, menant à la production de molécules de défense (ex : acide rosmarinique). Une même voie peut donc être influencée par plusieurs signaux différents.

Plantes alpines et d’altitude : des champions de l’adaptation à la lumière

Certaines plantes ont développé des stratégies chimiques remarquables pour survivre dans des environnements extrêmes, où la lumière est souvent intense, combinée à des températures basses et à une atmosphère raréfiée. En haute montagne, la lumière est plus intense, surtout en UV, et le climat plus rigoureux.

Lepidium meyenii
Lepidium meyenii

Pour faire face à ce stress, ces plantes produisent des quantités élevées de métabolites secondaires protecteurs :

  • Flavonoïdes et anthocyanes pour filtrer les UV et limiter les dégâts oxydatifs, ce qui donne souvent aux plantes alpines leurs couleurs rougeâtres ou violacées caractéristiques.
  • Tanins et terpènes pour renforcer la résistance aux attaques des insectes et des microbes, souvent plus agressifs dans ces milieux fragiles.

Par exemple, le maca (Lepidium meyenii), une plante des hauts plateaux andins, produit des macamides, de la famille des composés azotés.

Les macamides sont des composés exclusifs au Maca et sont des molécules antioxydantes qui aident la plante à se défendre dans un environnement très irradiant.

Chez Orius nous avons cultivé le maca et testé plusieurs systèmes et itinéraires de culture permettant un bon développement de son hypocotyle, cette partie entre la racine embryonnaire et les cotylédons qui ressemble à une racine et qui forme un organisme de réserve, particulièrement riche en macamides.

Tous ces développements nous ont permis de multiplier par 7,5 la concentration en macamides présents dans Lepidium meyenii en comparaison aux niveaux les plus élevés rapportés dans la plante (selon nos connaissances dans la littérature scientifique)(5).

Quelles applications pour les plantes cultivées en environnements contrôlés ?

Système de lumière Orius
Système de lumière Orius

Contrairement à une culture en plein champs, les environnements contrôlés permettent d’ajuster avec précision les paramètres lumineux (spectre, intensité, photopériode...) pour : 

  • augmenter la concentration d’un métabolite d’intérêt 
  • diriger la plante vers la synthèse de composés rares 
  • inhiber la production d’agent indésirable (toxique, photosensibilisant, allergisant etc
  • moduler le profil aromatique d’une plante 
  • favoriser la résilience végétale

C’est pourquoi chez Orius nous avons développé nos propres technologies d’éclairage pour lesquelles nous avons déposé un brevet. Notre technologie est au service de la science et de la biologie pour permettre de produire des plantes d’une qualité supérieure.

Comme dans tout ce que nous avons pu décrire dans cette série d’articles, il n’existe pas de recette universelle. Chaque plante réagit différemment à un flux lumineux spécifique, une intensité, une photopériode. Chaque paramètre peut entraîner une cascade de réponses morphologiques et biochimiques. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre rendement, qualité biochimique et résilience végétale.

Conclusion

La lumière est bien plus qu’une simple source d’énergie pour les plantes : c’est un levier puissant qui influence leur croissance, leur forme, leur floraison, la teneur en sucre des fruits, mais aussi leur chimie interne — cette chimie qui leur permet de s’adapter, se défendre ou interagir avec le vivant.

Ce que les plantes produisent pour se protéger ou séduire — flavonoïdes, terpènes, alcaloïdes…— a depuis longtemps intrigué et inspiré les humains : en cosmétique, en bien-être, en nutrition ou en santé.

Mais piloter cette chimie végétale est loin d’être simple. Le vivant ne répond pas à un interrupteur ; il obéit à une logique complexe, où chaque paramètre en influence d’autres.

A Orius, nous adoptons une approche scientifique, pragmatique et itérative : nous étudions la bibliographie, sourçons les espèces végétales les plus prometteuses, capitalisons sur nos connaissances et nos expérimentations passées, et nous testons, simulons, évaluons, ajustons, jusqu’à trouver la recette optimale pour répondre aux objectifs de nos clients.

Nous avons travaillé sur plus de 60 espèces végétales et nous relevons les défis concrets de nos clients : 

  • sécuriser l’approvisionnement d’une plante rare ou menacée 
  • augmenter la concentration en actifs d’intérêt 
  • réduire les risques liés à des molécules toxiques 

La lumière, bien utilisée, est un levier puissant pour révéler tout le potentiel des plantes. Couplée à l’étude des autres paramètres environnementaux (nutrition, température, humidité, etc) elle est un champ de recherche immense, et un vecteur d’innovation végétale.

Bibliographie

  1. Jean Marc Sanchez. k.center. Le stress des plantes. 
  2. Peixoto, Fernanda & Aranha, Ana Caroline & Nardino, Danielli & Defendi, Rafael & Suzuki, Rúbia. Extraction and encapsulation of bioactive compounds: A review. Journal of Food Process Engineering. (2022). 45. 10.1111/jfpe.14167.  
  3.  Deviller, Geneviève. Traitement par lagunage à haut rendement algal (LHRA) des effluents piscicoles marins recyclés: évaluation chimique et écotoxicologique. (2003)
  4.  Guan H, Luo W, Bao B, Cao Y, Cheng F, Yu S, et al. A Comprehensive Review of Rosmarinic Acid: From Phytochemistry to Pharmacology and Its New Insight. Mol Basel Switz ;27(10):3292. (.2022) 
  5. Li, J., Chen, L., Li, J., Duan, Z., Zhu, S., & Fan, L. (2017). The Composition Analysis of Maca (Lepidium meyenii Walp.) from Xinjiang and Its Antifatigue Activity. Journal of Food Quality, 2017, 1-7.