
Gravilab, le simulateur de gravité conçu par Orius
La gravité a un impact certain sur la croissance et le développement des plantes cultivées dans des environnements spatiaux. Orius a conçu Gravilab — un simulateur de microgravité et de gravité partielle hautement performant — pour tester les effets de la gravité sur la croissance et le développement des plantes. Cet outil va nous permettre, dans le cadre des projets que nous développons avec le CNES et le Muséum National d’Histoire Naturelle, d’adapter des itinéraires de culture à des environnements spatiaux.
Chez Orius nous créons des ingrédients botaniques sur-mesure et uniques pour les industries cosmétiques et nutraceutiques. Nous explorons les voies métaboliques des plantes pour comprendre pourquoi et comment elles produisent des molécules d'intérêt et nous concevons les technologies et systèmes de culture qui permettent de les produire efficacement et en toute conformité.
Nous avons également un service de R&D biologique ainsi qu’un bureau d’études qui relèvent des challenges techniques et agronomiques pour de multiples applications.
Aujourd'hui, nous souhaitons vous faire voyager et vous parler d’une de nos réalisations pour l’industrie spatiale 🌱🚀.
Orius et l’espace
Orius travaille sur des applications spatiales depuis sa création. Dès le début de notre aventure, nous avons noué un partenariat stratégique avec le CNES et nous avons développé des projets New space axées sur la recherche biologique et l’ingénierie.
Nos projets ont deux objectifs :
- développer des recettes de culture pour nourrir de futures bases spatiales en optimisant les apports nutritifs et la composition chimique des plantes
- concevoir des technologies qui rendront possibles ces cultures dans de futures bases habitées sur la Lune ou sur Mars.
Pour alimenter ces futures bases, nous devons prendre en compte de nombreux paramètres, parmi lesquels l’optimisation des ressources disponibles, la conception d’équipements conformes aux normes spatiales, ou encore la prise en compte des effets de la gravité.
Cet article se concentrera sur un aspect spécifique : la gravité. Nous y présenterons Gravilab, le simulateur de gravité conçu par Orius, destiné à l’étude des plantes en condition de microgravité et de gravité partielle.
Qu’est ce que la gravité?
La gravité (ou interaction gravitationnelle) est la force qui attire deux masses l’une vers l’autre.

Plus un corps est massif et dense, plus il exerce une force gravitationnelle importante. Sur une planète, cette force donne ce qu’on appelle l’accélération gravitationnelle (g), exprimée en m/s². Comme on peut le constater sur ce tableau (1), la Terre a une gravité plus forte que Mars ou la Lune.
Et cela se ressent très concrètement. Nous avons tous en tête les images des astronautes sur la Lune ou à bord de l’ISS, semblant flotter dans les airs. Sur la Lune, leur démarche lente et sautillante est directement liée à la faible gravité : leur poids y est divisé par six par rapport à celui sur Terre. Résultat, ils peuvent bondir plus haut, se déplacer avec aisance et soulever des charges bien plus facilement que sur notre planète.
Quel est l’impact de la gravité sur les plantes?
La gravité joue un rôle essentiel dans la croissance et le développement des plantes, influençant leur orientation, leur morphologie et les mécanismes physiologiques qui les gouvernent.
Gravitropisme, la boussole naturelle des plantes
Les plantes utilisent la gravité comme un repère directionnel 🧭🌿.
Ce phénomène, appelé gravitropisme, permet aux racines de croître vers le bas (gravitropisme positif) et à la tige de s’élever vers le haut (gravitropisme négatif), à l’opposé de la force gravitationnelle. Les plantes ont ainsi la capacité de percevoir et de réorienter leur croissance en fonction de la gravité.
La mise en évidence de la relation causale entre gravité et orientation des organes végétaux a été démontrée lors de l’expérience de Knight (1806) où de jeunes plantules ont été placées sur un tambour tournant autour d'un axe vertical. Il a été observé que les tiges se courbaient en se rapprochant de l'axe de rotation du tambour, tandis qu'au contraire les racines se courbaient en s'éloignant de cet axe. La rotation du tambour avait des propriétés physiques semblables à celles de la gravité et a permis d’identifier une réponse active des plantes à la gravité (2).
Et en microgravité, que se passe-t-il ?
En l’absence de gravité, comme dans l’espace, les racines ne poussent plus systématiquement vers le bas : leur croissance devient aléatoire. Mais les perturbations ne s’arrêtent pas là.
La microgravité — état dans lequel la force gravitationnelle est faible, proche de 0 — entraîne une réorganisation complète du transport des phytohormones, notamment de l’auxine et des cytokinines, qui jouent un rôle clé dans la croissance des plantes. Ce déséquilibre hormonal provoque une réponse de stress généralisée, se traduisant par une altération du cycle cellulaire. Concrètement, on observe une accélération de la prolifération cellulaire, mais au détriment de la taille des cellules : les plantules contiennent donc plus de cellules, mais de plus petite taille. Par ailleurs, la microgravité affecte également des structures qui jouent un rôle clé dans la croissance et la forme des cellules.
En résumé, ces dérèglements entraînent un ralentissement global de la croissance des jeunes plantes en microgravité.
Un environnement à adapter
Autre conséquence importante : sans gravité, il n’y a plus de convection naturelle des gaz. Sur Terre, l’air circule naturellement grâce à la gravité : l’air chaud, plus léger, monte, tandis que l’air froid, plus lourd, descend. Mais en microgravité, ce mécanisme ne fonctionne plus. L’air ne "monte" ni ne "descend", car il n’y a plus de différence de poids entre l’air chaud et l’air froid. Résultat : l’air reste immobile, piégeant autour des plantes l’humidité ainsi que les gaz qu’elles produisent et empêchant une bonne respiration et un bon échange gazeux. Si l’environnement n’est pas précisément contrôlé (ventilation, humidité, renouvellement de l’air…), certaines phases clé du cycle de vie de la plante — comme la maturation ou la reproduction — peuvent être perturbées, voire bloquées.
Pourquoi développer un simulateur de gravité chez Orius?
Gravilab, l’A-RPM développé par Orius
Gravilab est un A-RPM (advanced random positioning machine) : un simulateur de gravité et de gravité partielle conçu et développé par Orius. Comme cité précédemment, la gravité a un impact majeur sur le développement des plantes.

Si nous souhaitons dans quelques années cultiver des plantes pour nourrir de futures bases spatiales, il est important d’en comprendre tous les effets sur nos cultures cibles.
Orius a conçu son propre simulateur de gravité afin de pouvoir conduire des recherches précises, avec des paramètres de gravités différents, sur des plantes entières, en ayant la capacité d’y moduler l’éclairage et l’irrigation (comme ce que nous faisons dans nos unités de culture terrestre).
Les outils existants sur le marché, comme le clinostat, sont des simulateurs de gravité sur 2 dimensions, c'est-à-dire qu’ils comportent un seul axe rotatif. Le Gravilab est un random positioning machine évoluant sur 3 dimensions, deux axes tournent de manière aléatoire. En tournant sur un seul axe, le clinostat 2D peut créer des artefacts comme un effet directionnel sur la croissance des plantes, où les plantes “s'habituent” et “s’adaptent” à une rotation en deux dimensions en condition expérimentales alors que ce ne serait pas le cas en conditions réelles. En tournant sur deux axes, le simulateur de gravité d’Orius produit des réponses plus fidèles à la gravité que nous souhaitons étudier. De plus, nous avons qualifié notre système d’ “advanced” car il a été conçu pour imposer des niveaux de gravité entre 0 et 1 G. permettant ainsi de pouvoir simuler les conditions rencontrées en orbite comme dans l’ISS mais aussi celles rencontrées sur la Lune et sur Mars.
Les clinostats ont aussi été conçus pour étudier de petits échantillons (boîtes de petri ou tube à essai généralement). Le Gravilab développé par Orius permet d’étudier des échantillons plus volumineux. Nous pouvons ainsi cultiver une plante entière sur plusieurs semaines et observer le développement phénologique de la plante, de ses racines ou de sa masse foliaire, à une échelle réelle.

Anas Rais, ingénieur dans l’équipe d’Orius et Pierre Jay, co-fondateur nous expliquent certains défis techniques rencontrés par la conception de Gravilab d’Orius.
“Le premier défi, propre à la culture de plantes entières, a été de concevoir un système d’irrigation optimal dans un dispositif en rotation. Il fallait éviter les fuites et les projections d’eau, susceptibles non seulement d’endommager le matériel, mais aussi de fausser les mesures précises de cet intrant qu’il sera essentiel de mesurer sur une base où cette ressource est rare.
Le second défi consistait à maintenir la plante en place sans l’entraver excessivement. La solution a été le développement d’un “pot support” conçu sur mesure, intégrant à la fois le système d’irrigation et un substrat intégré en laine de roche.

Ce design assure un environnement de croissance stable et favorable au bon développement de la plante.
Nous avons également développé une solution logicielle dédiée, capable de contrôler précisément le mouvement des deux axes de rotation. L’objectif : atteindre un niveau de gravité simulée stable, reproductible et sans biais.
Afin d’élargir les possibilités d’observation et d’analyse nous avons conçu le système de manière modulable : des accessoires additionnels tels qu’un microscope, une caméra ou des capteurs peuvent y être intégrés pour, par exemple, collecter des données en temps réel. Le système est aussi adaptable à différentes échelles — plus grandes ou plus petites — sans nécessiter une refonte complète du design.
Ces différentes possibilités nous permettent d’envisager une utilisation élargie de ce simulateur dans de multiples contextes expérimentaux.”
La recherche autour de la gravité et microgravité chez Orius

Depuis maintenant deux mois, les équipes de R&D d’Orius utilisent le simulateur de gravité développé en interne pour réaliser leurs premières expériences.
Nathan Fouere Klein, doctorant au sein d’Orius et du Muséum d'Histoire Naturelle, et Pierre-François Pluchon, docteur en microbiologie chez Orius, nous expliquent comment cet outil innovant sera exploité et les premiers tests déjà réalisés.
“Étudier la réponse des plantes à l’absence de gravité nous permettra d’anticiper les effets potentiellement négatifs de ce facteur environnemental inédit sur différentes espèces végétales. Grâce à notre simulateur de gravité, nous pouvons valider et optimiser des protocoles de culture spécifiquement adaptés à ces conditions particulières.

Cet outil nous permet également de tester l’efficacité d’inducteurs — des agents chimiques, physiques ou biologiques capables d’activer certaines voies métaboliques — dans le but de stimuler la production de métabolites secondaires et de molécules d’intérêt, tant en environnement terrestre que spatial.
Nos premières expérimentations ont été menées sur le chou japonais Brassica rapa var. japonica, plus communément appelé Mizuna, cultivé en condition de gravité altérée. Le choix de cette plante s’explique par plusieurs atouts : une croissance rapide permettant des retours expérimentaux précoces, un port compact adapté aux espaces confinés, une bonne tolérance au stress environnemental, ainsi qu’un fort intérêt nutritionnel. De plus, Brassica rapa var. japonica est peu exigeante en ressources, ce qui en fait une candidate intéressante pour des cultures en environnement contrôlé dans un environnement spatial.
Cette première série de tests nous a permis de suivre l’ensemble du cycle de développement de la plante, avec un excellent taux de germination proche de 100 %. Nous avons identifié un substrat parfaitement adapté à la croissance du Mizuna dans le simulateur de gravité, et nous avons également réalisé des premières mesures précises sur les besoins en eau à différents stades phénologiques.”
Gravilab, d’autres applications possibles
Notre simulateur de gravité, Gravilab, a été conçu pour offrir une grande flexibilité et s'adapter à une large gamme d'applications.

Que ce soit pour des expérimentations avec des plantes, des cellules, des poissons, des bactéries ou des levures, Gravilab nécessite un minimum d’adaptations.
Les ajustements concernent principalement les installations dans la zone utile, telles que le maintien des échantillons et les "servitudes" associées — alimentation en eau, oxygène, nutriments, régulation de la température, en fonction des besoins des espèces étudiées.
Le système de contrôle de rotation que nous avons développé s'ajuste, avec une grande précision, à la charge utile, garantissant une stabilité constante, quelle que soit la masse ou les dimensions des échantillons testés.
Cette flexibilité permet d’adapter Gravilab à une grande variété d’organismes vivants, tout en assurant des conditions de gravité simulée précises et fiables.
Conclusion
Le domaine spatial nous pousse à relever de nouveaux défis technologiques, à faire progresser la recherche scientifique et à repenser l’utilisation de nos ressources, tant pour des applications spatiales que pour des solutions innovantes sur Terre.
Nous tenons à remercier chaleureusement le CNES pour sa confiance, ainsi que le Muséum National d’Histoire Naturelle, avec lequel nous collaborons sur les études biologiques, notamment sur les effets de la gravité sur les plantes. Ce travail collaboratif et interdisciplinaire nous ouvre des perspectives passionnantes et nous permet de repousser les frontières de la recherche, tant dans l'espace que sur notre propre planète.
Bibliographie
(1) https://cnes.fr/dossiers/planete-mars ; https://cnes.fr/dossiers/lune
(2) A. Knight (1806) On the direction of the radicle and germen during the vegetation of seeds By Thomas Andrew Knight, Esq. F. R. S. In a letter to the Right Hon. Sir Joseph Banks, K. B. P. R. S. https://doi.org/10.1098/rstl.1806.0006
(3) De micco et al. (2013) Microgravity effects on different stages of higher plant life cycle. Plant biology. 16:31-38. doi:10.1111/plb.12098
(4) Medina FJ, Manzano A, Villacampa A, Ciska M and Herranz R (2021) Understanding Reduced Gravity Effects on Early Plant Development Before Attempting Life-Support Farming in the Moon and Mars. Front. Astron. Space Sci. 8:729154. doi: 10.3389/fspas.2021.729154